La manufacture de vitrail et mosaïque d'art Mauméjean


Anonyme
Portrait de Jules-Pierre Mauméjean 
 sanguine sur papier, s.d. 
Alcalá de Henares, Atelier Mauméjean
Cl. B. Manauté 
L'aventure artistique de cette dynastie de décorateurs débuta en 1862, quand Jules-Pierre Mauméjean - héritier d'une lignée de peintres sur faïence dont le talent avait, dans le dernier quart du XVIIIe siècle, nourrit les productions de diverses industries landaises - décida de créer la première fabrique de vitraux peints de la région paloise.
Occupant, entre 1868 et 1890, un atelier situé à quelques mètres seulement des chantier de l'église Saint-Jacques dont la première pierre avait été posée en juillet 1861, le peintre verrier bénéficia, durant ses premières années d'activité, d'un contexte édilitaire et religieux particulièrement favorable qui lui permit d'honorer un nombre considérable de commandes dans le Béarn et les Landes.
Souffrant, comme l'ensemble de ses confrères, du significatif essoufflement de la demande engendré, dans les dernières décennies du XIXe siècle, par le départ des congrégations religieuses, "l'excellent artiste" palois se mit progressivement en quête de nouveaux marchés. Séduit par des lumières plus méridionales, il s'installa, en 1890, à Anglet puis, trois ans plus tard, à Biarritz. Cette implantation dans le Pays basque marqua un tournant important dans l'histoire de la famille qui, profitant des contacts noués avec l'importante colonie espagnole réfugiée dans le sud-ouest, fonda le projet d'établir son activité en péninsule ibérique. Nommé peintre officiel de la Maison royale d'Alphonse XII en 1882, le peintre verrier ouvrit, vers 1895, un premier atelier madrilène dont il abandonna, deux ans plus tard, la direction à ses fils - Joseph et Henri - qui collaboraient depuis plusieurs années au développement de la petite entreprise artisanale.

Les frères Mauméjean dans leur atelier d'hendaye
Épreuve photographique, s.d.
Collection particulière
Tirant profit d'une réelle absence de concurrence, ces derniers exprimèrent immédiatement de grandes ambitions artistiques. Sollicités, dans toute la péninsule, pour l'ornementation de prestigieux édifices civils ou religieux, ils ouvrirent dans les premières années du XIXe siècle, plusieurs succursales à Barcelone, Saint-Sébastien et Paris
Signalée, dès 1911, dans les annuaires commerciaux de la Seine, l'antenne parisienne, dirigée par le benjamin de la fratrie, Charles, connut un développement significatif après la Première guerre mondiale. Participant à l'effort de reconstruction des régions dévastées, elle fournit un nombre considérable de décors en Île-de-France et dans le nord du pays. 
Confrontés à un formidable afflux de commande, les frères Mauméjean, dont la production était, dès le début des années 1920, répertoriée dans quelque cinq mille cathédrales, basiliques et chapelles, édifièrent alors une immense manufacture, à Hendaye. Fondé sur un strict compartimentage des tâches permettant de maintenir, en dépit du rythme effréné de production, un certain degré d'exigence technique et artistique, le savoir-faire de l'entreprise fut notamment récompensé lors des grandes manifestations internationales célébrées à Philadelphie, Pampelune, Milan, Barcelone, Séville ou Liège. 
Mauméjean Frères
Le Luxe
Vitrail, 1925
Collection particulière
Prenant part à l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes organisée à Paris, en 1925, les peintres verriers édifièrent leur propre pavillon sur le quai d'Orsay. Conçu par l'architecte Henri Mulhaupt, le solide bâtiment servait alors d'écrin aux réalisations les plus audacieuses de la firme qui, offrant "d'incomparables poèmes de clarté nuancées", obtint le premier prix pour deux belles compositions Art déco intitulées Le Luxe et Les Arts.
Freinée, en France comme en Espagne, par l'éclatement des grands conflits internationaux, l'activité des ateliers connut, à la Libération, un nouvel essor. Ce regain d'activité ne permettant cependant pas de renouer avec l'incroyable production d'avant-guerre, l'entreprise tomba, après la disparition de Joseph et Charles Mauméjean, en 1952 et 1957, dans une longue phase de déclin et d'oubli.


Bibliographie sélective :

- DUSSOL (D.), Pau Art déco. Arts, histoire et société (1919-1939), 2011, Bordeaux, Le Festin, 288 pages.
- FINANCE (DE) (L.) ET HERVIER (D.), Un patrimoine de lumière 1830-2000. Verrières des Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Paris, MONUM, Éditions du patrimoine, 2003, 383 pages.
- FROUTÉ (P.-A.), "Pau et les Mauméjean maîtres-verriers (1860-1970)", Revue de Pau et du Béarn, nº 21, 1994, pp. 429-472. 
- LISITA (V.), Notre-Dame de PauÉditions Marrinpouey, Pau, 160 pages.
- MANAUTÉ (B.), " Flambe ! Illumine ! Embrase !". La place de la manufacture de vitrail et mosaïque d'art Mauméjean dans le renouveau des arts industriels franco-espagnols (1862-1957), thèse de doctorat, s. l. dir. de Dominique Dussol, Université de Pau et des Pays de l'Adour, 2012, 3 vol., 1377 pages.
- MANAUTÉ (B.), "Mauméjean, un siècle de lumières paloises", Le Festin - Revue des patrimoines et de la création en Aquitaine, nº 79, 2011, pp. 78-87.
- MANAUTÉ (B.), "L'Effet Dan Brown", La Tribune de l'art [en ligne], 2011, http://www.latribunedelart.com/l-effet-dan-brown.
- MANAUTÉ (B.), "Les inovations verrières dans l'entre-deux-guerres : la mosaïcristal des frères Mauméjean", Le Point Riche, nº 7, juin 2009, pp. 3-9.
- MANAUTÉ (B.), "Charles Mauméjean et le décor de l'église Saint-Julien à Lons, entre enchentement visuel et religiosité", Le Festin - Revue des patrimoines et de la création en Aquitaine, nº 38, 2001, pp. 28-35.
- VARILLON (I.), L'art sacré en Béarn et Pays basque dans la période de l'entre-deux-guerresthèse de doctorat, s. l. dir. de Dominique Dussol, Université de Pau et des Pays de l'Adour, 2012, 2 vol.